Pour alimenter une consommation de 645 TWh d’électricité en 2050, la France dispose d’un atout : sa production d’électricité décarbonée avoisine déjà 500 TWh. Dès lors, la « marche » à franchir est beaucoup moins haute que dans d’autres pays (l’Allemagne produit aujourd’hui environ 300 TWh, d’électricité bas-carbone, le Royaume-Uni près de 200 TWh, l’Italie près de 100 TWh…).
S’en tenir à cette vision statique ne suffit pourtant pas à saisir l’ampleur du défi en France : l’âge moyen du parc nucléaire est de plus de 40 années et les réacteurs construits à la fin des années 1970 et au début des années 1980 atteignent progressivement l’échéance qui avait été retenue comme hypothèse de durée de fonctionnement lors de leur conception.
Si la durée d’exploitation de ces centrales est en train d’être prolongée dans le cadre des prescriptions édictées par l’Autorité de sûreté nucléaire et sous le contrôle de cette dernière, il est généralement admis que les réacteurs ne pourront probablement pas fonctionner plus de 60 ans, sauf exception et démarche de sûreté spécifique.
Définir une stratégie industrielle intégrant la fermeture prévisible du parc électronucléaire historique, qui contribue aujourd’hui largement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la compétitivité de l’électricité produite en France, apparaît donc indispensable. Les arrêts définitifs seront très rapprochés (effet falaise), en raison de la rapidité exceptionnelle avec laquelle la France a bâti son parc dans les années 1980.
Cette perspective de fermeture constitue parfois un impensé du débat énergétique français au niveau médiatique, où beaucoup de discussions prennent pour fondement la possibilité de pérenniser sur le long terme l’équilibre actuel du parc électrique. Une prospective énergétique sérieuse ne peut faire l’impasse sur cette donnée structurante, qui doit être intégrée à la stratégie française sur l’énergie et le climat.
À cette échéance, seules deux options existent pour accroître le potentiel de production d’électricité décarbonée :
- maintenir en fonctionnement les réacteurs nucléaires (les délais sont en toute hypothèse trop rapprochés pour en construire de nouveaux)
- développer les énergies renouvelables.
La pondération entre ces solutions, définie par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), doit prendre en compte la nouvelle donne énergétique issue de ces dernières années : des objectifs climatiques plus contraignants pour 2030, un paysage de sécurité d’approvisionnement plus fragile avec la tension sur les approvisionnements en hydrocarbures, la montée des prix de l’énergie, et la réduction des marges sur le système électrique européen.
À long terme (2050-2060), la fermeture des réacteurs nucléaires de deuxième génération est une contrainte industrielle : en plus de soutenir l’augmentation prévue de la consommation d’électricité, l’appareil de production français devra profondément se renouveler pour remplacer une production annuelle de l’ordre de 380-400 TWh.
C’est dans cette perspective qu’il convient de replacer les choix énergétiques que doit faire la France dans les prochaines années : répondre au double enjeu d’une nécessaire augmentation de la capacité de production d’électricité décarbonée et d’une fermeture programmée de la majorité des installations qui assurent aujourd’hui ce besoin. Ces choix apparaissent d’une ampleur similaire à ceux réalisés lors des chocs pétroliers dans les années 1970.
Pour aborder ce défi, les options envisageables ne sont pas les mêmes qu’au lendemain du choc pétrolier, même si différents scénario sont étudiés (Ademe, RTE, Shift Project , négaWatt… ), chacun imposent de développer significativement les énergies renouvelables en France pour atteindre la neutralité carbone.